• DOSSIER AMIANTE : Martine, où étiez-vous dans les années 1970 ????

    J'ai entendu, sidérée, Martine Aubry déclarer les 6 et 7 novembre 2012 sur les ondes et à la lucarne qu'aucune étude n'avait démontré le danger de l'amiante avant les années 1980.

    MARTINE, vous étiez où dans les années 1970 ????

    Ma chère Martine, j'ai 6 ans de moins que vous. Dans les années 1970, j'étais une très jeune militante écologiste, alors que vous peaufiniez votre formation à l'Ecole Nationale d'Administration de 1973 à 1975 puis accédiez au titre ronflant d'administratrice civile au ministère du Travail et des Affaires Sociales.

    Au programme des combats écologistes des années 1970 : l'épuration des eaux souillées par les usines, la demande de pose des filtres sur les cheminées des usines, les dégâts des pesticides dans l'agriculture, les colorants et adjuvants alimentaires dangereux/toxiques, la lutte contre le lobby nucléaire et son programme infernal, etc. etc... sans oublier LA LUTTE CONTRE L'AMIANTE : information des ouvriers sur les dangers, revendications de suppression de ce matériau. Je me souviens qu'à l'époque nous évoquions les premiers textes scientifiques mettant en garde contre le danger de l'amiante, textes qui dataient de l'aube du vingtième siècle

    2012 : Dans nos réunions de militants, je citait d'ailleurs très récemment l'exemple de notre combat contre l'amiante, dans les années 70 : l'impression que nous avions eue à l'époque, candides que nous étions, que celui-ci avait fait l'objet de lois et de réglementations, pour apprendre presque vingt ans plus tard que nous nous étions faits rouler dans la farine par les industriels ! C'est pourquoi, échaudés par cette histoire, et bien d'autres encore (les adjuvants alimentaires "interdits" et réapparus sous d'autres codes, etc...) nous savons qu'il ne faut jamais rien lâcher, lire les textes de lois VOTES in extenso, avant que de ranger les armes, dans quelque combat que ce soit.

     La mise en examen de Martine Aubry fera porter le chapeau à un haut fonctionnaire, qui certes nous prouve sa parfaite méconnaissance des combats et enjeux de son pays, mais ne sera qu'une histoire de lampiste épinglé. Les vrais coupables sont les industriels avec leurs lobbies à l'Assemblée. Le vrai problème, c'est la permanente promiscuité de vie et d'intérêts des hommes politiques, des patrons et lobbies... et de nombreux journalistes.

     LES LOBBIES ET LES LOIS :

    DOSSIER MARTINE, vous étiez où dans les années 1970 ????









    Quelques informations supplémentaires sur le combat pour la reconnaissance des dangers de l'amiante, contre l'utilisation de l'amiante dans l'industrie et le bâtiment :

    L'AMIANTE, UN SIECLE DE MENSONGE


    AMIANTE: LES GRANDES ÉTAPES DE LA RÉGLEMENTATION EN FRANCE (repères chronologiques)

     

    1880 Début de l’exploitation des mines d’amiante au Canada, en Afrique du Sud et en Russie.

    1899 Première observation d’un décès lié à l’amiante par le Dr Henry Montague Murray à Londres.

    1906 Rapport de Denis Auribault, inspecteur du travail à Caen sur la surmortalité des ouvriers d’une usine de textile utilisant l’amiante dans le Calvados.

    1913 Mise en place de techniques d’aspiration à la source des poussières dangereuses afin de limiter les risques.

    1918 Les compagnies d’assurance américaines refusent d’assurer les travailleurs de l’amiante.

    1927 Découverte du lien entre amiante et fibrose de l’amiante baptisée asbestose.

    1931 En Grande-Bretagne, première réglementation limitant l’empoussièrement dans les usines.

    1935 Découverte par deux britanniques, Klemperer et Rabin, du mésothéliome ou cancer de la plèvre lié à l’amiante.

    1945 L’asbestose est reconnue comme une maladie professionnelle.

    1949 Obligation du port de protections respiratoires en cas d’exposition aux poussières dangereuses

    1950 Création de classification des maladies professionnelles pour prendre en charge les pathologies spécifiques à l’amiante.

    1950-1955 Etude de l’épidémiologiste Britannique Richard Doll prouvant le lien entre amiante et cancer du poumon.

    1960 Observation en Afrique du Sud de mésothéliomes chez des travailleurs de l’amiante par le Dr Wagner qui révèle que les riverains des mines sont également touchés.

    1965 1er mésothéliome décrit en France.

    1971 Réunion à Londres des industriels de l’amiante visant à adopter une stratégie pour continuer à utiliser le minéral.

    1973 Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classe les amphiboles parmi les substances cancérogènes. Mise au point de méthodes de prélèvement et de comptage des fibres qui permettent de quantifier l’exposition aux poussières d’amiante.

    1973 Début des procès contre l’industrie de l’amiante aux Etats-Unis.

    1975 Interdiction aux salariés de moins de 18 ans de travailler l’amiante.

    1975 Premier scandale de l’amiante en France.

    Les chercheurs de la faculté de Jussieu à Paris découvrent que leur établissement est isolé à l’amiante. Ils révèlent aussi la situation dans les usines de transformation.

    1976 Le cancer broncho-pulmonaire et le mésothéliome sont pris en charge comme maladies professionnelles.

    1976 Toutes les variétés d’amiante sont classées cancérogènes par le Centre international de recherche sur le cancer (Lyon).

    1977 Mise en place de valeurs limites d’exposition (VLE). C’est le premier élément de la politique "d’utilisation raisonnée de l’amiante"

    Mise en place d’un suivi médical pour les travailleurs exposés.

    1977 Interdiction du flocage dans les locaux d’habitation et réduction de la concentration d’amiante à laquelle les salariés peuvent être exposés dans les entreprises (2 fibres par cm3).

    1978 Interdiction du flocage contenant plus de 1 % d’amiante pour l’ensemble des bâtiments.

    1982 La conférence de Montréal conclut que les valeurs limites d’exposition (VLE) ne protègent pas du risque de cancer.

    1982 Aux Etats-Unis, la firme américaine Johns-Manville se place sous la protection de l’article 11 de la loi sur les faillites, plutôt que de répondre aux nombreux procès qui lui sont intentés.

    1982 Fondation en France du Comité permanent amiante ou CPA, lobby mis en place par les industriels.

    1987 Abaissement des valeurs limites d’exposition (VLE)

    1988 Interdiction de l’amiante (excepté le chrysotile).

    1992 Nouvel abaissement des VLE.

    1994 Réunion de l’ensemble des experts français au ministère du travail, qui confirment les dangers de l’amiante. Les veuves de plusieurs professeurs d’un lycée de Gérardmer portent plainte

    Création du comité anti-amiante de Jussieu.

    1995 Publication dans The Lancet de l’étude de Julian Peto, épidémiologiste britannique qui révèle que le nombre de mésothéliome est beaucoup plus élevé que prévu en Grande-Bretagne et ne touche pas que les ouvriers des usines de transformations. Publication de l’enquête "Mortel Amiante" par la revue Sciences et Avenir. Coup d’envoi d’une actualité médiatique intense autour du scandale de l’amiante.

    Dissolution du Comité permanent amiante.

    1996 Expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Abaissement des valeurs limites d’exposition (VLE)

    Réglementation concernant les locaux floqués et la protection des travailleurs.

    1996 Un décret oblige les propriétaires de bâtiments à réaliser un diagnostic sur la présence de l’amiante. Création de l’Andeva, association nationale des victimes de l’amiante.

    Cinq malade de l’Andeva se porte partie civile et porte plainte contre X.

    Le ministre du travail et des affaires sociales annonce l’interdiction de la fabrication, l’importation et la mise en vente de produits contenant de l’amiante à partir du 1er janvier 1997.

    Annonce du Président de la République qui promet qu’il n’y aura plus d’étudiants à Jussieu avant la fin de l’année.

    Le Parquet de Paris ouvre une information judiciaire contre X pour blessures involontaires - l’affaire aboutit finalement à un non-lieu.

    1997 Interdiction de toute fabrication, importation ou commercialisation de l’amiante.

    La France rejoint ainsi les 7 autres pays européens (Allemagne, Italie, Danemark, Suède, Pays-Bas, Norvège et Suisse) à avoir banni ce matériau.

    1997 La chambre sociale de la cour d’appel de Dijon condamne la société Eternit pour "faute inexcusable", à la suite d’une plainte d’un de ses employés. C’est la première des centaines de condamnations d’entreprises.

    1998 En France (19 décembre), retraite à 50 ans pour les salariés exposés au moins trente ans dans des entreprises où l’amiante a été utilisée. Le Canada porte plainte contre la France devant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) pour avoir interdit l’amiante.

    Publication du rapport du Sénat "L’amiante dans l’environnement de l’homme : ses conséquences et son avenir" qui épingle les politiques passées et les différents organismes de contrôle.

    2000 Décision d’interdiction européenne en 2005.

    2000 La faute de l’Etat est reconnue par le tribunal administratif de Marseille.

    L’OMC donne raison à la France. C’est la première fois qu’un pays membre de l’OMC parvient à démontrer qu’une mesure nationale est "nécessaire à la protection de la santé et de la vie des personnes". Ce jugement est confirmé en appel le 12 mars 2001.

    2001 Création du FIVA, fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante.

    2001 Premier procès contre Saint-Gobain aux Etats-Unis.

    2002 Arrêt de la cour de cassation reconnaissant la faute inexcusable de l’employeur pour les cas de maladie professionnelle.

    L’employeur a désormais, en matière de prévention et de maladie, une obligation de résultat dans le cas des risques qu’il fait courir à ses employés.

    2004 Un arrêt du conseil d’Etat confirme la faute de l’Etat dans l’affaire de l’amiante.

    Sources : Association nationale des victimes de l’amiante (Andeva) Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) "Amiante : 100 000 morts à venir" de François Malye - Editions Le cherche Midi